Le syndrome de l’imposteur est une problématique que l’on rencontre fréquemment en cabinet. Ce terme, introduit en 1978 par les psychologues cliniciennes Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes, désigne un phénomène psychologique dans lequel une personne, malgré des signes objectifs de réussite, doute profondément de ses compétences et craint d’être « démasquée » comme une fraude.
On estime qu’entre 60 et 70 % des individus traversent ce syndrome à un moment de leur vie, notamment dans le cadre professionnel. Si ces pensées peuvent être passagères, elles deviennent parfois envahissantes et invalidantes lorsqu’elles s’installent durablement — pour la personne concernée comme pour son entourage.
Les personnes touchées ont tendance à attribuer leurs réussites à des facteurs externes — la chance, l’indulgence d’autrui, le hasard — et non à leurs capacités réelles. Elles jugent leurs compétences comme banales, voire insuffisantes, et considèrent leurs résultats comme immérités. Ce doute chronique freine leur épanouissement, limite leurs prises d’initiative, et peut les mener à l’auto-sabotage.
Une zone de confort illusoire
Souvent, ces personnes se cantonnent à des tâches qu’elles maîtrisent parfaitement, évitant ainsi toute prise de risque. Cette posture rassure temporairement le « Moi », qui cherche à se protéger de l’échec. Mais ce repli sur soi empêche toute progression, toute expansion. Sortir de cette zone de confort implique d’oser entrer dans sa zone d’apprentissage : accepter l’erreur, affronter l’inconnu, se déconstruire pour mieux se reconstruire. Cela demande du courage, de la présence à soi, et la capacité à transformer des pensées limitantes en pensées plus souples et constructives.
Le poids du surcontrôle et du perfectionnisme
Le syndrome de l’imposteur s’exprime aussi à travers des comportements de surcontrôle ou d’hypercontrôle. Craignant d’échouer, d’être jugé·e ou de décevoir, la personne cherche à tout maîtriser. Elle vérifie, anticipe, répète, surinvestit chaque détail, comme pour se prémunir d’un éventuel « faux pas » qui viendrait révéler son incompétence supposée.
Ce perfectionnisme s’accompagne souvent d’une difficulté à déléguer, en particulier dans le travail en équipe. Déléguer signifie faire confiance, lâcher prise… or cela est perçu comme risqué, voire dangereux. Le contrôle devient alors un mécanisme de défense. Mais il finit par épuiser la personne, renforcer son isolement, et valider — à ses propres yeux — l’idée qu’elle est seule à pouvoir faire les choses « correctement ».
Une origine souvent enracinée dans l’enfance
Le syndrome de l’imposteur trouve souvent ses racines dans l’enfance. Un décalage entre l’image de soi véhiculée à l’école (valorisation) et celle reçue dans le cadre familial (dévalorisation) peut semer un doute profond sur sa légitimité. L’enfant aura tendance à croire l’opinion la plus critique, pensant que les compliments sont exagérés ou feints.
À l’inverse, une survalorisation excessive peut créer une pression constante à la performance. L’enfant apprend alors qu’il doit réussir pour être aimé. L’erreur n’est plus tolérée, l’échec devient une menace identitaire. L’intelligence est perçue non comme une capacité à développer, mais comme un attribut à préserver — à tout prix.
Le tiraillement entre le Moi et le Surmoi
Ce conflit intérieur peut être éclairé par une lecture psychanalytique. Le Moi, instance de médiation entre le monde extérieur et les exigences internes, est souvent tiraillé par un Surmoi rigide et punitif. Ce Surmoi — forgé par des normes éducatives, parentales ou sociales — impose des injonctions irréalistes : « Tu dois être parfait », « Tu n’as pas le droit à l’erreur ».
Pris dans cette tension, le Moi se sent continuellement insuffisant, alimentant culpabilité, honte, autocritique, procrastination et parfois auto-sabotage. La voix du parent intérieur critique se fait entendre : « Tu n’es pas à la hauteur », « Tu pourrais mieux faire », renforçant le doute et l’auto-dévalorisation.
Des peurs enracinées dans des croyances
Le syndrome de l’imposteur est souvent nourri par des peurs profondes : peur de se tromper, d’être jugé, de décevoir, de ne pas être à la hauteur… ou même de réussir (et de ne pas pouvoir assumer ensuite). Ces peurs reposent sur des croyances erronées, bien ancrées mais rarement questionnées. Elles forment un filtre à travers lequel la personne interprète le monde, son expérience et sa propre valeur.
Accompagner avec bienveillance et lucidité
En cabinet, l’objectif n’est pas de « combattre » ces peurs, mais de les accueillir, comprendre et apprivoiser. Il s’agit de déconstruire les croyances limitantes, de revaloriser les compétences réelles, et surtout, de remettre en question la sévérité du Surmoi pour permettre au Moi de respirer.
La sophrologie, l’hypnose, et d’autres approches orientées vers l’estime de soi, la confiance en soi et l’affirmation de soi, permettent à la personne de se reconnecter à sa valeur, à ses ressources profondes, et à sa légitimité à exister, créer, et réussir avec plus de sérénité.
Laurent MARTIN – Sophrologue & Coach Professionnel